Avec l’amoureux, lorsque nous avons eu nos petits poissons, nous étions très optimistes, persuadés que le monde, lorsqu’ils seraient grands, serait encore meilleur que le nôtre.
Avec l’amoureux, nous venons de milieux sociaux culturels très différents. En rencontrant l’amoureux, je me suis rendu compte de la chance que j’avais eu de naître dans une famille aisée, dont les deux parents avaient fait des études supérieures, et qui m’avait dès mon plus jeune âge donné accès à la culture, à la connaissance, à la réflexion philosophique, aux voyages qui permettent la rencontre avec d’autres cultures. Ce n’était pas le cas de l’amoureux, qui lui avait dû se former seul à la culture, la connaissance et les voyages une fois dans la vie active, parce qu’il était avide de savoir.
J’ai cru alors que si je nourrissais intellectuellement mes petits poissons, en préférant une sortie au musée plutôt qu’au parc d’attraction, en leur donnant des livres à lire plutôt que de regarder la télé, en les ouvrants à toutes les cultures, lorsqu’ils seraient grands, ils auraient les mêmes chances d’accéder à des études supérieures malgré nos revenus modestes bien que largement suffisants pour vivre très heureux.
Aujourd’hui la sardine, mon aînée à 19 ans. Effectivement j’ai pu voir combien mon « nourrissage » intensif tout au long de son enfance a pu être bénéfique tout au long de sa scolarité. La sardine a toujours été une élève brillante, la crevette et le plancton aussi d’ailleurs. La sardine à décrocher son bac avec mention très bien, si « l’excellence » existait toujours elle l’aurait certainement eu.
Et c’est là que mon désenchantement commence et le sien aussi. Elle nourrit de grandes ambitions d’études, Science Po, grande école réputée accessible sur concours ou sur dossier pour Science Po. Paris. Elle aurait pu l’année de son bac envoyer son dossier à Paris, mais elle a renoncé. Pourquoi ? Même si elle avait été reçue, se loger, se nourrir, acheter les livres nécessaires pour ses études, des billets de train pour rentrer de temps en temps à la maison, tout ceci est bien au-dessus de ce que nous pouvons offrir pour subvenir à ses besoins quotidiens sur Paris. Elle s’est motivée en se disant que de toute façon à Paris, les filières qu’elles voulaient faire n’existaient pas et que tenter le concours commun des Sciences Po. de province serait tout aussi bien.
Un concours, ça se prépare. Et là encore surprise ! Les chances ne sont pas les même pour tout le monde. Si vous avez les moyens d’offrir à vos enfants une prépa payante, très chère, les chances de réussir le concours sont multipliées par dix. Si vous avez la chance d’habiter Paris et d’être retenu pour la prépa du lycée Henry IV, même si vos moyens sont modestes là aussi vous avez toutes vos chances. Ce n’est pas notre cas, fort heureusement nous avons la chance d’habiter Lille, dont l’université publique offre une prépa., aux tarifs universitaires public. C’est une classe sélective, avec ses excellents résultats scolaires, ma sardine n’a eu aucun mal à y être admis.
En revanche, le taux de réussite est bien moindre que pour prépa privée ou pour celle d’Henry IV. La sardine est une bosseuse, elle travaille bien au-delà de ce que ses professeurs demandent. Je pense, je l’espère très fort, qu’elle réussira au concours. Une fois qu’elle aura eu son concours, (elle l’aura, elle l’aura, elle l’aura…) de nouveau nous nous retrouvons face à un dilemme. La filière qui lui plait le plus se trouve à Aix. Sauf qu’Aix c’est loin de Lille. Ce n’est pas Paris, n’empêche, financièrement ça va être compliqué. Ma sardine a beau être boursière, lorsque l’on voit le montant des bourses et le coût de la vie…
Nous n’y sommes pas encore, néanmoins, sera-t-elle obliger de choisir Lille par défaut ? Pourquoi, parce qu’elle vient d’une famille de la classe moyenne, elle n’a pas accès au même choix d’étude alors que c’est une jeune fille extrêmement brillante que si nous étions financièrement bien plus à l’aise. Où est la réussite au mérite ? Où sont les chances de pouvoir choisir son chemin de vie, son métier en toute liberté, sans entraves sociales ? Et encore ma sardine est privilégiée, elle maîtrise les codes sociaux culturels de la classe supérieur, ce qui lui a permis d’être au même niveau intellectuel que des enfants issus de ces classes-là. Elle a aussi la gestuelle, le langage et le vocabulaire qui lui permet d’être dans son élément parmi les nantis.
Mais pour les autres ? Ceux qui n’ont jamais eu un livre à la maison, ceux qui n’ont jamais mis un orteil dans un musée, ceux qui n’ont jamais assisté à une pièce de théâtre, tous ceux qui ne possède pas ces codes de langage, de gestuelle corporel qui permettent d’accéder à la couche supérieure de la société, quelles sont leurs chances aujourd’hui de sortir de leur « caste » ? Je me désespère de voir qu’elles sont infimes, et que même s’ils y mettent toute leur bonne volonté, le parcours sera semé d’embuches, compliqué et plein de désillusions.
Et quand je vois ce que veut faire ma crevette après son bac, je me désole déjà. L’école d’animation qu’elle aimerait faire coûte 15 000 € par an et dure 5 ans, et il n’existe pas d’équivalent dans le public, du moins nous ne l’avons pas encore trouvé. Pourtant elle a un talent fou, et ce cursus lui correspond parfaitement. Sera-t-elle aussi obliger de choisir par défaut une simple école d’art, parce que seuls les enfants dont les parents ont les moyens peuvent accéder à l’animation, métier très recherché qui offre de belles perspectives d’avenir ?
Tant de questions auquel je n’ai pas de réponse. Tant de questions pour lesquels Je n’ai pour l’instant pas de solution. Je ne perds pas espoir, j’ai envie de croire cette nouvelle génération saura changer les choses, avoir d’autres priorité que le matériel. Que cette génération choisira le spirituel, l’intellectuel comme chemin de vie. Pas très drôle mon billet du jour.
Et vous ? Comment voyez-vous l’avenir de vos enfants ?
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